Depuis quelques années, on entend beaucoup parler de vins Bio, vins natures, vins en Biodynamie etc… On se perd un peu dans tous ces termes. Aussi, je me suis intéressée plus particulièrement à la Biodynamie. J’ai eu envie de creuser le sujet pour tenter d’y voir plus clair, de mieux comprendre en quoi cela consiste.
Il y a quelques temps, j’ai rencontré un vigneron lors d’une émission de radio à laquelle j’ai participé. Nous étions invités sur le thème du vin. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Thomas. On avait donc un point commun dès le départ. Après l’émission, nous avons pas mal discuté. Il a su capter mon attention et me donner envie de visiter son domaine.

Je vous présente Thomas Fabian, propriétaire du Château d’Esther à Saint Loubès, proche de Bordeaux.
Depuis 20 ans il cultive ses 6 hectares de vignes avec passion.
Sa philosophie? La Biodynamie.
Avant de pénétrer dans l’univers de Thomas, je vous propose de découvrir l’origine de cette philosophie.
Biodynamie… comment tout à commencé

C’est Rudolf Steiner, un Autrichien qui en 1924 est l’initiateur de ce courant philosophique. Nous sommes au début du XXième siècle, époque d’innovations et de découvertes. Et pourtant, déjà à cette période, l’agriculture souffre : chute de rendements, utilisations de produits chimiques… Un collectif d’agriculteurs demande à Rudolf Steiner de réfléchir à un système alternatif. Il est à la fois médecin, éducateur, pédagogue… et a écrit une centaine d’ouvrages. Tout se décide en quelques jours lors de ses conférences.
Selon Rudolf Steiner, la biodynamie « assure la santé du sol et des plantes pour procurer une alimentation saine aux animaux et aux hommes. »
Rudolf Steiner
Ces principes de l’agriculture en biodynamie vont alors être appliqués à la viticulture. Dans son concept, la biodynamie va encore plus loin que la culture Bio, elle a une dimension presque ésotérique vis à vis des non initiés. Le cahier des charges qui cadre les labels sont encore plus strictes.
Biodynamie : quelques fondamentaux
- Respecter la biodiversité, sans elle pas de vie dans le vignoble
- Ne pas utiliser de produits chimiques, d’intrants et limiter l’utilisation du cuivre et du soufre
- Favoriser l’enherbement des rangs de vignes. Cela permet entre autre d’absorber l’excès d’eau dans le sol et évite la maladie du mildiou, poison des vignobles en Bordelais
- Suivre le cycle lunaire et des planètes. Ce n’est pas un hasard si les anciens, respectaient les cycles lunaires pour leur cultures. On préfère par exemple tailler la vigne pendant la phase descendante de la lune, l’enracinement est alors plus profond, et la plante résiste mieux aux sécheresses et aux maladies
- Faire du préventif plutôt que du curatif avec des traitements naturels à base de plantes pour élaborer des tisanes et décoctions
- Aérer les sols en retournant la terre qui de fait s’oxygène
Quand accessibilité rime avec générosité
Bien qu’il soit arrivé en France depuis environ 40 ans, Thomas a su garder ce léger accent allemand si charmant, que j’affectionne particulièrement. Après un parcours dans la restauration, puis le secteur social, il acquière ce domaine de 13 hectares en 2001.
Thomas, est quelqu’un qui aime partager, transmettre ses connaissances, il est ouvert aux autres.
Sur son vignoble, il accueille toutes sortes d’êtres vivants.
Des poules font partie intégrante du paysage.
Des hérissons ont trouvé refuge dans un habitat « fait maison » en barrique recyclée.
Les abeilles ont élu domicile sur la propriété et tentent de résister aux attaques mortelles des frelons asiatiques.
Mais il n’y a pas que les animaux, les humains aussi sont les bienvenus.
Diverses associations collaborent avec Thomas pour échanger leurs expériences et expertises.
Cela passe aussi par l’emploi de travailleurs handicapés, ou de stagiaires étrangers auxquels notre ami vigneron donne l’occasion de connaitre le travail de la vigne.
Les promeneurs des environs en quête de nature, les camping cars pour une étape d’une nuit et bien sûr les visiteurs-dégustateurs, sont également les bienvenus.
Autant de bienveillance du vigneron qui font du Château d’Esther un lieu d’échanges et de convivialité. Rendre son domaine accessible, c’est toute la générosité du Sieur Thomas.
Biodynamie – la biodiversité au Château d’Esther
Fort de toutes ces connaissances, le défi de Thomas était de trouver la solution pour parvenir à convertir le vignoble en biodynamie.
Au moment où Thomas reprend le domaine en 2001, il a essayé de se remettre dans le contexte d’un agriculteur du début du XXième siècle. Il s’est posé la question « Comment être en symbiose avec la nature? Quels moyens à mettre en place pour y arriver? »
« Tout l’enjeu était de faire renaitre la Vie au sein de la vigne » nous raconte Thomas
Autrefois, les paysans pratiquaient la polyculture, ils cultivaient des céréales, avaient leur potager, leurs vignes, pratiquaient l’élevage. Tout se regroupait au sein d’une même ferme. La biodiversité était de fait présente et les paysans suivaient le rythme des saisons.
Aujourd’hui, on a quelque peu perdu cet équilibre, cet ensemble vivant.
Depuis 2001, Thomas s’emploie à rétablir cet équilibre pour atteindre l’ Harmonie. Le domaine ne compte pas moins de 250 arbres fruitiers.
Des arbres fruitiers dans les vignes?
L’explication est simple : ils servent de garde-manger aux nombreux oiseaux venus nicher ici. Savez vous que le périmètre dans lequel un oiseau évolue autour de son nid pour nourrir ses petits est de 30 mètres seulement? Ils doivent donc trouver leur nourriture à proximité. La LPO ( ligue protectrice des oiseaux ) fait partie de ces associations qui viennent régulièrement pour mener ses études. Elle donne aussi des conseils à Thomas qui a installés environ 150 nichoirs dans ses vigne pour les accueillir ( les oiseaux hein pas les scientifiques).
Tout autour du domaine, des haies ont été plantées, toujours pour la même raison : attirer les oiseaux et recréer de la vie.
La reine du domaine c’est la FLEUR!
Alors comment faire venir la vie dans la vigne? Sacré challenge!
Pour ça, Thomas a un secret.
De mars à juin, c’est le tour des arbres fruitiers C’est à ce moment qu’il pratique les semis : il sème diverses plantes dans ses rangs de vignes (sainfoin, tournesol…). Ces semis, en floraison à partir de juin, prendront le relais.
Sans fleur, pas d’insectes.
Et sans les insectes pas d’oiseaux!
Ce sont des initiateurs, pour les inciter à élire domicile au cœur du vignoble, ils doivent y trouver leur nourriture. Ça tombe bien, ici il y en a en abondance. Tellement, qu’ils ne s’attaquent même pas au raisin. La chaine alimentaire se porte plutôt bien.
Le point fort du domaine c’est son Biotope
Comprenez un champ d’environ 7 hectares laissé à l’abandon pendant environ 40 ans par les anciens propriétaires, resté vierge de toute culture. Une manne pour notre vigneron. Cela a permis une excellente préservation du site. Un atout pour la biodiversité. On y trouve du foin car Thomas ne fauche jamais. Ne pas faucher permet aux graines des herbes, des fleurs, de tomber au sol et de germer l’année suivante.

A ce propos, notre ami vigneron pousse un coup de gueule contre les coupeurs de foin qu’il appelle « les dépouilleurs ». En effet, selon lui le foin est devenu un véritable business. Le couper tôt permet de faire plusieurs coupes par an. La coupe avant floraison enlève la nourriture aux insectes et ne permet pas aux graines de tomber au sol. Le problème, c’est qu’il n’a a pas encore de fleur. Donc pas de possibilité de germination. Cela engendre malheureusement la destruction de la si précieuse biodiversité.
Potions magiques? Le magicien dose

Avec sa barbe blanche Thomas pourrait faire penser au druide Panoramix dans Astérix, pourtant il n’en est rien. Ses plantes sont tout ce qu’il y a de plus naturelles. Prêle, millepertuis etc… lui servent à préparer les tisanes et décoctions qui seront ensuite pulvérisées sur les vignes.
Mieux vaut prévenir que guérir
Cet adage est tout à fait approprié en Biodynamie.
En effet, comme en Bio, on prodigue des soins préventifs à la vigne, un peu comme en médecine Chinoise, plutôt que curatifs. En clair, on n’attend pas que la vigne soit malade pour la traiter. Cela implique beaucoup de passages successifs dans les rangs de vignes, et donc beaucoup de temps et de travail.

Le dynamiseur. Là on est au cœur du sujet. C’est un appareil utilisé dans la viticulture biodynamique pour effectuer la dynamisation des matières dans de l’eau. Cette opération consiste à créer dans de l’eau tiède un tourbillon (vortex) puis à l’inverser vigoureusement (chaos) avant de créer un nouveau tourbillon afin de permettre aux propriétés énergétiques de la matière ajoutée de passer dans l’eau.
La solution est ensuite pulvérisée sur la vigne et au sol.
Un poète qui a les pieds sur terre

Véritable journal de bord, et incontournable dans la Biodynamie, le calendrier lunaire. « Les nombreux « calendriers lunaires » existants aujourd’hui s’inspirent tous des découvertes de Maria Thun (1922-2012) sur les périodes-racine, fleur, feuille ou fruit publiées pour la première fois en 1963 dans le Calendrier des semis allemands. »
La Biodynamie part du principe que la position des planètes influence le comportement des plantes. Ainsi, comme le faisait les anciens, on observe et respecte le cycle lunaire pour tout se qui concerne la vigne.
Lorsque je demande à Thomas sa propre définition de la Biodynamie,voici sa réponse : Équilibre et observation
Thomas note donc scrupuleusement dans ce cahier tous ses travaux et traitements de la vigne. Ce qui lui permet de comparer l’évolution de mois en mois, d’années en années. L’expérience est le maitre mot.

Quand vous entrez dans un chai, il y a un signe qui ne trompe pas.
Si la plupart des barriques sont neuves, c’est que le millésime est prometteur!
Le vigneron investit rarement pour rien. Il faut avoir à l’esprit qu’une barrique neuve coute environ 650€. Ces barriques de bois neuf abritent les derniers millésimes 2018 et 2019 qui seront selon Thomas de véritables pépites.
Dégustation la cuvée de Rébecca

La visite se poursuit par la dégustation de la cuvée Rebecca. Sur un sol argilo limoneux, sont plantés les cépages de merlot /cabernet sauvignon / cabernet franc / petit verdot. Ils donnent un vin expressif, sur le fruit, qui ne triche pas. Sans artifice. Pour la petite histoire, l’étiquette a été créée par l’artiste Claude Ancelin. Ses couleurs donnent un coup de peps et une originalité aux étiquettes parfois si classiques à Bordeaux.
« Thomas, comment imagines tu la Biodynamie dans les années à venir?
Selon toi cela deviendra-t-il la norme? »
– Thomas répond : « On tend vers un renforcement du Cahier des Charges , notamment une obligation de levurage indigène et moins de produits oenologiques.
En ce moment l’agriculture est comme une ruche qu’on ouvre et tout s’emballe. On parle de bio, de biodiversité, sans forcément tout comprendre. Il faut attendre que ça se calme. A mon avis le courant sera plus clair d’ici 3 à 4 ans.
Malheureusement en ce moment, le contexte est extrêmement douloureux à Bordeaux avec la fermeture de beaucoup de structures, et ce n’est pas seulement lié à la situation du Covid. Si on écoute les syndicats, l’administration viticole, une partie du vignoble est en surproduction.
Pour palier cette crise, nous avons besoin d’un renouveau à moyen terme, pourquoi pas axé sur la bio et la biodynamie? Étant donné que la région de Bordeaux est la plus grande de France, il y a fort à parier que la biodynamie s’y implante en peu de temps. Traditionnellement, c’est l’Alsace qui fait figure de pionnière dans le genre. En 1927, le première vignoble labellisé a vu le jour. Des communes entières y sont labellisées en bio et biodynamie.
Les années spéculatives sont derrière nous.
La nature nous fait prendre conscience qu’un retour au calme est plus que nécessaire. »
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Biodynamie des labels existent


Ces 2 labels, les plus connus, sont présents sur les bouteilles des vignerons certifiés en biodynamie.
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En discutant avec Thomas, je me suis rendue compte qu’il y aurait tellement à dire sur la Biodynamie!
Impossible de tout aborder en un seul article. Cependant, j’espère que celui-ci vous aura éclairé sur cette méthode de viticulture.
Le viticulteur est là pour aider la nature a lutter avec ses propres armes.
S’intéresser à cette viticulture en Biodynamie, c’est un peu participer à son existence.
Château d’Esther c’est aussi…

Des chambres d’hôtes avec vue imprenable sur la Dordogne.
Un véritable paradis.

Un potager qui fait partie intégrante de la vigne en biodynamie. Il facilite la biodiversité et est un élément indispensable à l’élaboration du compost.

Idée lecture

Plus qu’un livre pour Thomas, c’est sa bible dit-il . Oeuvre de François Bouchet « L’agriculture Bio-dynamique : Comment l’appliquer dans la vigne » est une référence dans le milieu de la Biodynamie.

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